Les Noces barbares by Un livre Un film

Les Noces barbares by Un livre Un film

Auteur:Un livre Un film [film, Un livre Un]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Divers
Publié: 2013-01-18T09:39:18+00:00


La fièvre dansait dans le corps de Ludo. Son regard exténué découvrait la pièce. Un crucifix était peint sur le mur au-dessus du lit. La courtepointe était bleue, les parois blanc crème ; le plancher dégageait une odeur amie. Il se revoyait aux Buissonnets lissant le beurre des tartines avec le plat d’un couteau mouillé. Il respirait l’odeur du café, des draps, du sommeil de sa mère. Elle avait dû profiter du beau temps pour aller sur la côte en voiture, elle rentrerait tard, elle adorait rentrer tard, ce soir il ne l’entendrait pas.

Il crut apercevoir une face hilare au carreau sous un bonnet vert.

Il ouvrit son sac et le déversa dans l’armoire comme une poubelle. C’était Micho qui l’avait préparé la veille, ajoutant aux effets personnels des provisions de bouche et des feutres à dessin.

Ludo restait debout, chancelant et désemparé. Alors il retira doucement de sa poche un collier de moules et bigorneaux qu’il baisa les yeux fermés. Il avait mis des mois a choisir les coquillages, à les harmoniser, les ébarber, les rincer, les percer, les enfiler sur un élastique et les vernir ; il avait essayé sur lui cette parure océanique, certain d’éblouir enfin sa mère et d’obtenir son pardon.

Il cacha le collier sous le matelas ; il cacha de même la photo maternelle volée dans un album et la chaussette pleine d’argent. Puis sentant monter un vertige il se pelotonna sur le sol, et bras autour de la tête il sombra. Mais non il n’est pas idiot regarde un peu les yeux vivants qu’il a… maman dit qu’il est tombé tout seul… On n’entend pas la mer comme au grenier mais c’est à cause qu’elle est basse… des fois ça cognait sur le mur fallait s’appuyer pour pas qu’il tombe… moi j’y causais dans le mur et je grattais avec le clou pour la faire entrer mais je savais pas qui c’était… je demanderai à Fine où c’est qu’on peut la voir.

*

La tempête avait fini par engloutir le wharf, dispersant les œufs des mouettes aux quatre coins du vent, fauchant Ludo comme il arrivait au bout. Il était ballotté si fort par les lames qu’il ouvrit les yeux. La face de la mouette était contre la sienne, elle allait frapper : reconnaissant le marquis d’Aigremont, il retint son cri.

« C’est interdit de s’allonger, fit une voix flûtée… Moi je ne dirai rien, mais les autres… Enfin, vous avez raté une bien belle séance de musique… À présent nous allons dîner, tout le monde vous attend au réfectoire. »

Il faisait nuit, la lumière était allumée.

« N’oubliez surtout pas votre mouton. »

Leur entrée fut saluée par les applaudissements des enfants attablés. Sur les patères, les casquettes avaient l’air d’oiseaux perchés. Des lumignons enguirlandaient la crèche, un Noir bedonnant poussait une roulante où fumaient des plats.

« Moi c’est Doudou, dit-il avec un sourire immense. Et toi ? »

Regard juvénile et cheveux gris. Le nombril en relief pointait sous le maillot comme un bout de sein.

« Moi c’est Ludo. »

Il serra presque effrayé la main du Noir, le premier qu’il vît de près.



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